Deux siècles après l’invention du stéthoscope par René Laënnec, l’examen clinique traditionnel reste limité pour évaluer la congestion et la surcharge liquidienne, malgré les avancées médicales. En effet, les outils cliniques classiques présentent une sensibilité et une spécificité modestes pour la détection de l’insuffisance cardiaque, comme illustré ci-dessous :
Performance diagnostique des signes cliniques classiques de l’insuffisance cardiaque
(Adapté de Dao Q et al. JACC Vol. 37, No. 2, 2001)
Signe clinique | Sensibilité (%) | Spécificité (%) | Précision (%) |
Orthopnée | 47 | 88 | 72 |
Dilatation des veines jugulaires | 39 | 94 | 72 |
Œdèmes | 67 | 68 | 68 |
Râles crépitants | 56 | 80 | 70 |
L’apport de l’échographie pulmonaire au point d’intervention
L’échographie pulmonaire se révèle nettement plus performante pour détecter la congestion pulmonaire. Elle affiche une sensibilité de 97 % et une spécificité de 98 %, surpassant ainsi :
- L’examen clinique traditionnel (sensibilité : 64 %, spécificité : 67 %)
- La radiographie thoracique (sensibilité : 63 %, spécificité : 93 %)
En cas de surcharge pulmonaire, l’échographie met en évidence les lignes B, artefacts verticaux hyperéchogènes émanant de la ligne pleurale et traversant l’écran sans atténuation. Le Pr D. Lichtenstein, pionnier de l’échographie pulmonaire, a été le premier à décrire, en 1997, les lignes B comme la traduction échographique du syndrome alvéolo-interstitiel.
Ces lignes B se synchronisent avec le glissement pleural et effacent les lignes A. Leur présence traduit un contact entre les plèvres pariétale et viscérale.Protocole des huit zones thoraciques
Pour diagnostiquer un œdème pulmonaire ou un syndrome interstitiel, on utilise un protocole d’examen thoracique en 8 zones. L’examen est considéré positif si au moins deux zones bilatérales présentent trois lignes B visibles en coupe longitudinale entre deux côtes.Interprétation et limites de l’examen
Il est essentiel de noter que la présence de lignes B n’est pas spécifique à l’œdème pulmonaire. Elles peuvent être observées dans diverses pathologies telles que :
- Pneumonie
- Atélectasie
- Contusion pulmonaire
L’interprétation de l’échographie pulmonaire doit donc toujours se faire dans le contexte clinique global. Par exemple :
Si un patient présente une dyspnée, une orthopnée, des œdèmes, une hypertension et des lignes B dans plusieurs zones pulmonaires, un œdème pulmonaire cardiogénique est fortement probable.
Si un patient présente une dyspnée, de la fièvre, de la toux et des lignes B localisées avec une ligne pleurale irrégulière, une pneumonie doit être envisagée.
Conclusion
L’échographie pulmonaire au point d’intervention constitue un progrès majeur dans l’évaluation de la surcharge pulmonaire. Son adoption croissante par les cliniciens devrait permettre une meilleure stratégie de prise en charge des patients atteints d’insuffisance cardiaque ou d’autres pathologies pulmonaires.
Sources
- Reisinger N, Koratala A. Quantitative lung ultrasonography for the nephrologist: applications in dialysis and heart failure. Kidney360 2021;3:176–84.
- Koratala A, Kazory A. An introduction to point-of-care ultrasound: Laennec to Lichtenstein. Adv Chronic Kidney Dis 2021;28:193–9.
- Arts L et al. The diagnostic accuracy of lung auscultation in adult patients with acute pulmonary pathologies: a meta-analysis. Sci Rep 2020;10:7347.
- Maw AM, Hassanin A et al. Diagnostic accuracy of point-of-care lung ultrasonography and chest radiography in adults with symptoms suggestive of acute decompensated heart failure: a systematic review and meta-analysis. JAMA Netw Open. 2019;2:e190703.